Le vol montagne

Qu’est-ce que le vol montagne

Le vol montagne, c’est évidemment profiter des merveilleux paysages de nos Alpes, avec une perspective différente à chaque vol. C’est aussi se poser sur des pistes un peu spéciales : les altiports, altisurfaces ou glaciers. C’est voler sur des avions mythiques, train classique, bois et toile, marqués par l’historie de leurs illustres propriétaires.

C’est aussi le plaisir du pilotage le plus pur, le plus exigeant, qui oblige le pilote à faire corps avec sa machine, en tenant compte du relief, de l’aérologie, de l’éclairage de la piste, des conditions de pression et de température, de la glisse des skis l’hiver, de l’historique météo des jours précédents…

Et c’est surtout le plaisir de partager une passion, de voir le sourire de mes passagers, de rendre leur vol aussi agréable que possible en essayant de canaliser au mieux leurs craintes.

Dans les quelques lignes qui suivent, je donne quelques détails sur les spécificités du vol montagne. Et pour les plus impatients, une vidéo récente 😉

Vidéo d’un vol récent

L’Escoulin, Faucon

Galerie de photos

Pour en savoir un peu plus sur la technique…

Les performances de l’avion en altitude

C’est très simple, tout comme nous, les performances de l’avion subissent les effets de l’altitude : moins d’air pour le moteur, moins d’air pour porter l’avion.  A trois mille mètres, altitude moyenne des glaciers, la pression est de 700 mb, et donc de 30% inférieure à la pression au niveau de la mer. Et à deux mille mètres, la densité de l’air a chuté de 20%.

Ceci va se ressentir sur la puissance disponible, le moteur étant un moteur atmosphérique (pas de turbo), et sur la mécanique du vol. En effet, pour retrouver une vitesse air compatible de l’enveloppe de vol, l’avion aura une vitesse sol majorée. Ce qui n’est pas très favorable aux atterrissages et décollages…

Le vol en palier et le passage de cols

Avant de s’intéresser aux posés en montagne, il faut pouvoir évoluer dans le relief en toute sécurité.

Le vol en palier (vol horizontal) est délicat du fait de l’absence d’horizon. En plaine, il est aisé de positionner le nez du capot par rapport à la ligne d’horizon, en montagne le référentiel est perdu, et il faut combiner vue extérieure et instruments (altimètre et variomètre).

D’une manière générale, l’évolution au dessus du relief se fera avec deux “obsessions” :

  • avoir toujours de la vitesse et/ou du vide pour se dégager du relief
  • pouvoir à tout instant faire demi-tour.

La possibilité de faire demi-tour est en particulier importante lorsque l’on s’engage dans une vallée. Le relief peut monter plus vite que l’avion, et le demi-tour doit à tout instant rester une option.

Passage de col
(Le vol en montagne – Michel Kossa – ed Chiron- Paris – 1971

Atterrissage en montagne

Alors c’est là que le vol montagne devient intéressant car l’atterrissage (et donc le décollage), se font sur des terrains en pente. Hé oui, les pistes de 1000 m plates sont rares en montagne 😉

On va donc chercher à se poser sur des terrains en pente. En plaine, c’est le vent qui détermine le sens de l’atterrissage et du décollage : vent dans le nez. Aussi, avions au décollage ou atterrissage en plaine évoluent sur la piste dans le même sens. En montagne, c’est la pente qui impose le sens. On se pose dans le sens de la montée, on décolle dans le sens de la descente.

Mais alors, il faut éviter d’atterrir lorsqu’un avion se pose – et inversement. Oui, c’est préférable, et une bonne utilisation de la radio est fondamentale, pour annoncer ses intentions et prendre connaissance du trafic et trajectoires des autres avions sur le circuit.

L’atterrissage se fait donc dans le sens de la montée. Et c’est le moment d’introduire une particularité des atterrissages en montagne : la remise des gaz est, la plupart du temps, impossible. La remise des gaz étant la possibilité en cas d’approche non stabilisée, de remettre pleine puissance et repartir pour se représenter en vue d’une deuxième tentative. En montagne, bien souvent, le relief monte plus vite que l’avion et rend impossible toute remise des gaz. Aussi, lorsque la décision de se poser est prise… il faut se poser.

Un atterrissage en montagne réussi est conditionné par une bonne reconnaissance terrain, et une approche stabilisée.

Reconnaissance terrain

La préparation consiste à observer le trafic, les conditions aérologiques, la visibilité, l’état de la piste, sa longueur, sa pente, son dévers… Pour ce faire, l’avion effectuera des passages haut (1000 pieds sol) puis plus bas (500 ft sol) en se posant les questions suivantes :

  • avions dans le circuit : sur la piste, en l’air, la radio permettant d’en savoir plus sur leur trajectoire et intentions ;
  • force et direction du vent : peut remettre en cause l’atterrissage et conditionne les paramètres d’approche ;
  • la piste : son état, sa longueur, présence de randonneurs, de moutons…, la hauteur de l’herbe, le sol est-il détrempé…
  • pourra-t-on repartir : se poser sans casse est une bonne chose, pouvoir repartir en est une autre !
  • stationnement, point de toucher, point d’aboutissement : où et comment stationner, où poser les roues, quel repère au sol pour l’approche (point d’aboutissement);
  • axe de décollage (hé oui, bien souvent la pente ne permet pas de voir la piste au décollage…) ;

Une fois ces questions adressées, on peut envisager l’atterrissage. On effectuera alors un passage bas (100 pieds sol) permettant :

  • d’apprécier les conditions aérologiques au plus près du sol ;
  • de relever l’altitude qui sera la référence pour le circuit de piste.

Circuit de piste et approche finale

Le circuit de piste permet à l’avion de se positionner en finale (face à la piste), en suivant une trajectoire publiée dans des cartes aéronautiques propres au vol montagne.

Lors de l’atterrissage, on cherche à adopter la vitesse la plus faible possible, sans pour autant prendre le risque de décrocher (vitesse en dessous de laquelle les ailes ne portent plus, l’avion s’enfonce…). On va donc adopter une vitesse d’approche majorant de 30% la vitesse de décrochage.

Ensuite, sur l’approche finale, on va adopter un plan en descente, avec volets, vitesse définie plus haut et une puissance affichée moyenne. L’affichage d’une puissance moyenne permet de garder de la réserve moteur pour corriger le plan d’approche en réduisant ou augmentant la puissance. A une altitude de 6000 pied, cette configuration (vitesse, volets, puissance) positionne l’avion sur une plan d’approche de l’ordre de 5%. La correction moteur, puissance réduite permettra d’augmenter le plan à 9%, pleine puissance, le plan permettra d’assurer une pente de montée à 7%.

Il faut donc positionner l’avion sur une hauteur supérieure à l’entrée de piste, et permettant, moyennant un éloignement raisonnable, d’intercepter ce plan de descente de 5%. Le manque de repère d’horizon ne permettant pas d’apprécier très aisément la hauteur, le passage bas est une étape fondamentale.

Pendant le passage bas, le pilote lit son altimètre qui lui indique l’altitude de l’altisurface. Cette référence permettra de positionner le tour de piste, 300 pieds plus haut. L’avion va donc monter de 300 pieds après le repère passage bas, et maintenir cette altitude de référence. A partir de là, le maintient de l’altitude est primordial.

Le pilote prépare l’avion en effectuant les pré-affichages qui permettent de maintenir la bonne vitesse et une assiette de référence, constante. Sur le Mousquetaire, on sortira un cran de volets, et on affichera un régime moteur de 2100 tr/min. Ceci devrait amener l’avion à des vitesses indiquées proches de 130 km/h, que l’on essaiera de maintenir entre 130 et 140 km/h.

Cette configuration permet à l’avion d’évoluer avec une assiette (position par rapport à l’horizon) qui sera toujours la même. Ainsi, le pilote se construit un référentiel, de hauteur entre le seuil de piste et le capot moteur, permettant avec l’expérience la capture du plan de descente à 5%.

Dès que le plan de descente est (réputé) intercepté, le pilote positionne l’avion sur le plan de descente, sort les volets, et adapte le régime moteur autour de 1700 tr/min. A partir de cet instant, le pilote vise de manière obsessionnelle le seuil de piste. Ses yeux font des aller retours incessants entre l’extérieur, et la vitesse. Et en un coup, le pilote vérifiera qu’il est sur le plan de descente recherché : pour une vitesse d’approche de l’ordre de 110 km/h, on cherchera avec un régime de 1700 tr/min, à vérifier que le variomètre affiche un taux de descente de l’ordre de 400 pieds/minute. La combinaison de ces trois paramètres est un indicateur que l’avion se situe sur le plan de descente de 5%.

Nous y voilà, la piste se rapproche et il faut poser l’avion, sur une piste qui elle monte vers l’avion… Dernière particularité du vol montagne, contrairement à un atterrissage en plaine, le pilote ne réduira pas les gaz à l’arrondi, mais maintiendra la puissance permettant à l’avion de réaliser la ressource et contacter en douceur le sol.  Parfois, à 3000 m d’altitude, il n’est pas rare de se poser pleine puissance !

régime moteur et plan
interception du plan d’approche
Le pilotage en montagne – JF Chappel – ed Aviasport – 1993

Décollages

Tout d’abord, bien garder à l’esprit que tout atterrissage est conditionné à la possibilité de redécoller. Cela-dit, si on a prévu une pique-nique, ou de rester quelques heures, voire même la nuit en montagne, les conditions météo ont pu évoluer.

Même si les atterrissages sont impressionnants, le critère de longueur de piste est surtout conditionnant pour le décollage. En effet, comme le montrent bon nombre de vidéos, l’avion se pose beaucoup plus court qu’il ne décolle. Si vous ajoutez à cette limitation, un vent arrière de 20 km/h, alors le décollage peut devenir délicat.

En été, on ajoutera au vent la température. Les hautes températures dégradent ont un impact sur la densité de l’air. Par fortes chaleur on va donc corriger l’altitude en tenant compte de la température : l’altitude densité. Il ne sera pas rare de voir des terrains l’été afficher une altitude densité majorée de deux à trois mille pieds. Ici encore, cette augmentation d’altitude va impacter les performances moteur et aérodynamiques de l’avion. Les distances de décollage seront majorées.

Ensuite, comme évoqué plus haut, le décollage se fait à contre-sens des atterrissages. Il faudra donc être très attentif sur l’écoute radio, et bien observer la finales pensant au moins 30 secondes, avant de décoller. En effet, le relief et la pente des pistes en montagne ne permettent pas de voir les avions en courte finale.

Enfin, nous avions évoqué la prise d’un repère dans l’axe de la piste lors de la reconnaissance – ce repère va nous être utile pour le décollage, car, encore un fois, le profil de la piste, parfois convexe, ne permet pas de matérialiser l’axe de la piste, tout du moins sur les premiers mètres. Viser le repère identifié lors de la reconnaissance permettra de positionner l’avion sur la piste.

Roues ou skis ???

Sur roues, c’est super, on tourne sur place en bloquant une roue, on peut ralentir la cadence, sans pour autant freiner comme un dingue, au risque de passer sur le dos…

Sur skis, c’est tout aussi amusant, au détail près que les virages se font beaucoup moins serrés, que les freins sont parfaitement inopérants, et que le chasse neige est… impossible. Il faut donc tout anticiper, la capacité de l’avion à tourner, la qualité de la neige et de la glisse, l’arrêt sur le plat, dans la pente, la capacité à repartir sans pousser l’avion…